Prévenir les expulsions locatives chez les bailleurs sociaux ? Les recommandations de la Cour des comptes‍

Patricia Lejeune
2023-05-10
6 min

Les bailleurs sociaux font face à des défis complexes dans la prévention des expulsions locatives, notamment pour les ménages les plus vulnérables. La Cour des comptes a publié une analyse approfondie qui identifie les outils à améliorer et les leviers d'action à renforcer pour garantir le maintien dans le logement. Dans cet article, nous présentons les recommandations clés de la Cour des comptes pour les directeurs de gestion locative et du recouvrement, ainsi que pour les directeurs de l'informatique dans le secteur des bailleurs sociaux.

I. Un enjeu majeur pour garantir le droit au logement

La question de la prévention des expulsions locatives est un enjeu crucial pour garantir le droit au logement en France. Selon la Cour des Comptes, chaque année, pas moins de 130 000 décisions d'expulsion sont prononcées, dont environ 15 000 avec le concours de la force publique. Ces chiffres témoignent de l'ampleur du phénomène et de son impact sur les ménages les plus fragiles et modestes de la population.

Les locataires du parc privé sont particulièrement touchés par les expulsions locatives, ainsi que les familles monoparentales. Ces dernières, souvent confrontées à des situations de précarité économique et sociale, sont en effet plus susceptibles de rencontrer des difficultés pour s'acquitter de leurs loyers. Les ménages les plus modestes, quant à eux, ont souvent du mal à trouver un logement adapté à leurs moyens, ce qui peut les amener à accumuler des impayés et à risquer l'expulsion. Pour les bailleurs sociaux, la prévention des expulsions locatives est un enjeu majeur pour garantir le droit au logement des locataires les plus vulnérables et pour éviter les coûts associés à la procédure d'expulsion, tels que les frais de justice et les pertes de loyers.

Le droit au logement est un enjeu majeur de notre société et les bailleurs sociaux ont un rôle essentiel à jouer pour le garantir.

Dans ce contexte, il est crucial pour les bailleurs sociaux de mettre en place des dispositifs efficaces de prévention des expulsions locatives, afin de détecter en amont les situations de fragilité des locataires et de les accompagner pour éviter les expulsions.
La Cour des Comptes souligne l'importance d'une coordination renforcée entre les bailleurs sociaux, les travailleurs sociaux et les départements compétents pour mettre en place des dispositifs de prévention des expulsions locatives. Ces dispositifs doivent être adaptés aux situations individuelles des locataires et offrir des solutions concrètes pour éviter les expulsions.

Pour y parvenir, les bailleurs sociaux peuvent s'appuyer sur des outils tels que le système d'information Exploc, qui permet de détecter plus tôt les situations de fragilité qui peuvent conduire à l'expulsion des locataires. Selon la Cour des Comptes, pour bâtir une véritable action publique de prévention des expulsions, le système Exploc doit être rendu opérationnel dans le respect du droit de la protection des données personnelles.

En somme, la prévention des expulsions locatives est un enjeu crucial pour garantir le droit au logement des locataires les plus vulnérables et éviter les coûts associés à la procédure d'expulsion. Les bailleurs sociaux doivent mettre en place des dispositifs efficaces de prévention, adaptés aux situations individuelles des locataires.

II. Des outils à améliorer : une nécessité pour les bailleurs sociaux

Face à cette situation préoccupante, les pouvoirs publics ont mis en place des dispositifs de prévention des expulsions locatives, visant à détecter en amont les situations de fragilité des locataires et à accompagner les ménages en difficulté pour éviter les expulsions. Cependant, ces dispositifs sont souvent jugés insuffisants et inefficaces, ce qui rend d'autant plus urgente la nécessité de renforcer les moyens dédiés à la prévention des expulsions locatives.

La Cour des comptes a récemment souligné que le système d'information Exploc doit être rendu opérationnel dans le respect du droit de la protection des données personnelles. Ce système d'information permettrait de détecter plus tôt les situations de fragilité qui peuvent conduire à l'expulsion des locataires. Les bailleurs sociaux ont tout intérêt à utiliser cet outil pour identifier rapidement les locataires en difficulté et mettre en place des actions préventives pour éviter les expulsions.

Pour éviter les expulsions locatives, les bailleurs sociaux doivent améliorer leurs outils de suivi et de prévention.

En outre, la Cour des comptes a également mis en évidence que les délais nécessaires pour sensibiliser les locataires et pour mettre en œuvre les procédures d'accompagnement excèdent souvent ce que les bailleurs peuvent supporter. Cette situation peut même être à l’origine du choix de ne pas louer des locaux vacants à usage d’habitation, ce qui peut aggraver la crise du logement en France. Les bailleurs sociaux doivent donc être accompagnés financièrement et techniquement pour mettre en place des actions de prévention efficaces.

Enfin, il est important de noter que les expulsions touchent principalement les locataires du parc privé, les locataires les plus fragiles et les plus modestes, et les familles monoparentales. Cependant, les bailleurs sociaux ne sont pas à l'abri de cette problématique et doivent également mettre en place des dispositifs de prévention pour éviter les expulsions.

En somme, les bailleurs sociaux ont tout intérêt à s'impliquer dans la prévention des expulsions locatives en utilisant les outils mis à leur disposition et en mettant en place des actions préventives adaptées. Les pouvoirs publics doivent également accompagner les bailleurs sociaux pour renforcer leur capacité à prévenir les expulsions locatives.

III. Des leviers d'action à renforcer

Pour renforcer les leviers d'action en matière de prévention des expulsions locatives, les bailleurs sociaux peuvent s'appuyer sur différents dispositifs. Tout d'abord, il est essentiel de développer des collaborations entre les acteurs locaux (travailleurs sociaux, associations, institutions publiques...) pour améliorer la détection des situations de fragilité des locataires en difficulté.

Ensuite, il est recommandé de mettre en place des outils permettant de mieux gérer les impayés de loyer. Par exemple, l'utilisation de logiciels de recouvrement de créances peut permettre une meilleure gestion des dossiers en souffrance et faciliter la mise en place d'accords de paiement avec les locataires en difficulté.

Des leviers d’action sont à renforcer pour faciliter les résolutions à l’amiable entre les locataires en difficulté et les bailleurs sociaux.

Par ailleurs, la Cour des Comptes préconise de renforcer le rôle des travailleurs sociaux et des médiateurs pour favoriser les résolutions à l'amiable. En effet, ces professionnels peuvent accompagner les locataires en difficulté pour les aider à trouver des solutions de paiement ou pour négocier des délais de paiement avec les bailleurs.

Enfin, pour garantir une prévention efficace des expulsions locatives, il est essentiel de renforcer le dispositif d'aides financières existant. Les bailleurs sociaux peuvent ainsi travailler en collaboration avec les départements et les métropoles pour proposer des aides d'accompagnement financier adaptées aux situations des ménages en difficulté.

Pour atteindre ces objectifs, il est important que les bailleurs sociaux investissent dans des outils et des dispositifs efficaces, tout en travaillant en collaboration avec les différents acteurs locaux. La mise en place de partenariats avec les travailleurs sociaux, les associations et les institutions publiques peut ainsi contribuer à améliorer la détection précoce des situations de fragilité des locataires en difficulté et à mettre en place des solutions adaptées pour prévenir les expulsions locatives.

En somme, la prévention des expulsions locatives est un enjeu crucial pour garantir le droit au logement et protéger les personnes les plus vulnérables. Pour renforcer l'efficacité des dispositifs existants, il est nécessaire de développer des collaborations entre les acteurs locaux, de mettre en place des outils de gestion des impayés de loyer, de renforcer le rôle des travailleurs sociaux et des médiateurs, et de proposer des aides financières adaptées aux situations des ménages en difficulté. Les bailleurs sociaux ont ainsi un rôle clé à jouer dans la mise en place de politiques efficaces de prévention des expulsions locatives.

IV. Des politiques à compléter pour lutter contre les expulsions locatives

Au-delà de la prévention des expulsions locatives, il est nécessaire de mettre en place des politiques globales pour lutter contre l'accès au logement pour les personnes les plus vulnérables. Les bailleurs sociaux ont un rôle clé à jouer dans cette lutte en proposant des solutions adaptées aux locataires en difficulté.

Une politique de relogement et d'hébergement

La prévention des expulsions locatives ne suffit pas à résoudre le problème de l'accès au logement pour les personnes les plus vulnérables. Une politique en matière de relogement et d'hébergement des personnes expulsées doit être mise en place. Actuellement, les publics expulsés doivent, dans la majorité des cas, reprendre dès le début la procédure de droit commun d'hébergement et de relogement, ce qui peut les placer dans une situation de grande précarité.

Les bailleurs sociaux peuvent contribuer à la mise en place d'une politique de relogement et d'hébergement en proposant des logements adaptés aux personnes expulsées. Pour cela, ils peuvent travailler en collaboration avec les collectivités territoriales et les associations spécialisées dans l'accompagnement des personnes en difficulté.

Des solutions adaptées pour les personnes souffrant de troubles psychologiques et psychiatriques

Les situations individuelles d'impayé peuvent relever de causes multiples, mais celles liées à des pathologies relevant du champ psychologique et psychiatrique sont régulièrement observées par les préfectures. Les bailleurs sociaux peuvent contribuer à la mise en place de solutions adaptées pour les personnes souffrant de troubles psychologiques et psychiatriques en proposant un accompagnement spécifique et en travaillant en collaboration avec les structures médicales.

Des solutions pour garantir le maintien dans le logement

Pour garantir le maintien dans le logement, les bailleurs sociaux peuvent proposer des dispositifs d'accompagnement spécifiques pour les locataires en difficulté. Ces dispositifs peuvent inclure des aides financières pour les ménages les plus modestes, des dispositifs de médiation pour résoudre les conflits entre locataires et bailleurs, ainsi que des dispositifs de gestion locative sociale pour les ménages les plus fragiles.

En somme, pour lutter contre les expulsions locatives, il est nécessaire de mettre en place des politiques globales incluant des mesures pour garantir le maintien dans un logement, des solutions adaptées pour les personnes souffrant de troubles psychologiques et psychiatriques, ainsi qu'une politique de relogement et d'hébergement. Les bailleurs sociaux ont un rôle clé à jouer dans cette lutte en proposant des solutions adaptées aux locataires en difficulté et en travaillant en collaboration avec les collectivités territoriales et les associations spécialisées dans l'accompagnement des personnes en difficulté.

En conclusion, la lutte contre les expulsions locatives est un enjeu majeur pour garantir le droit au logement des personnes les plus vulnérables. Les bailleurs sociaux sont des acteurs clés pour détecter en amont les situations de fragilité des locataires et pour mettre en place des actions concrètes de prévention des expulsions.

Il est donc essentiel que les bailleurs sociaux travaillent en étroite collaboration avec les travailleurs sociaux, les départements et les métropoles compétentes, ainsi que tous les acteurs concernés pour améliorer la coordination et l'efficacité des leviers d'action en matière de prévention des expulsions locatives.

Pour ce faire, il est recommandé de renforcer le rôle des travailleurs sociaux et des bailleurs sociaux dans la détection précoce des situations de fragilité, d'améliorer les dispositifs de conciliation pour éviter les contentieux, de mettre en place des politiques de relogement et d'hébergement des personnes expulsées et de prendre en compte les situations liées à des pathologies relevant du champ psychologique et psychiatrique dans les dispositifs de prévention des expulsions.

En somme, les bailleurs sociaux ont un rôle crucial à jouer dans la lutte contre les expulsions locatives et dans la garantie du droit au logement pour les personnes les plus vulnérables. En travaillant en collaboration avec les autres acteurs, ils peuvent contribuer efficacement à l'effort public en faveur du logement et à la protection des ménages les plus modestes.

Et voici les 7 recommandations précisément :

Pour la Direction du budget
Achever d’ici la fin 2023 le transfert des crédits de prévention des expulsions inscrits au programme 135 vers le programme 177.

Pour le Délégué interministériel pour l’hébergement et l’accès au logement
- Fixer des objectifs quantitatifs aux Ccapex, notamment au regard du nombre de dossiers d’assignation au sein de chaque territoire.
- Ouvrir une concertation avec les collectivités territoriales en vue d’harmoniser les critères d’ouverture des droits au fonds de solidarité pour le logement au titre de la prévention des expulsions.
- Mettre en œuvre un suivi spécifique des bénéficiaires du Dalo ayant été l’objet d’une expulsion par concours de la force publique.
- Prendre en compte, dans le cadre du plan « Logement d’abord », dès la phase de prévention des expulsions, les besoins de logement et d’hébergement des ménages de bonne foi dont l’expulsion est inévitable.

Pour les Ministères de la transition écologique, de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, et de la mer
Rendre opérationnel le système d’information Exploc d’ici la fin 2023, au besoin en faisant évoluer son encadrement réglementaire en vue de garantir la protection des données personnelles.

Pour le Ministère de la justice
Après évaluation de l’expérimentation faite par le tribunal de Rouen, encourager les démarches de conciliation en lien avec le contentieux du bail.

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Patricia Lejeune
2023-05-10
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